La (C3S), l'outil d'un protectionnisme intelligeant

Après avoir examiné les diverses analyses critiques émises sur les préconisations énoncées lors de la déclaration de  politique générale du nouveau Premier Ministre, le mardi 9 avril 2014, j’ai été contrarié par le fait qu’aucun commentateur ne se soit attardé sur la proposition de suppression de la Contribution Sociale de Solidarité dite C3S.
Je déplore que les fiscalistes de Bercy, généralement très avisés pour imaginer de nouveaux types de prélèvements  n’aient pas envisagé un redéploiement de cette contribution en suggérant de nouvelles modalités de taux et d’assiette.
Les talents de persuasion des lobbies qui œuvrent pour les grands groupes, particulièrement ceux de la distribution ont obtenu la disparition d’une contribution spécifique qu’ils n’ont cessé de vilipender depuis sa création.

Nul ne conteste qu’en matière de fiscalité, il est préférable d'alléger le coût du travail pour accroître la compétitivité de l'économie et inciter à l'embauche.  L'impôt d'avenir d'une nation doit intégrer la mondialisation qui n'est ni une calamité ni une fatalité, elle se gère, tandis que la fermeture des frontières ne serait que l'antichambre de l'appauvrissement. 
Certains économistes et des partis politiques préconisent  une forme de protectionnisme intelligent en suggérant
-          la mise en place d'une politique industrielle inspirée de celle des Américains et d’autres nations.
-          une réforme ambitieuse du financement de la protection sociale.
Nous avons en France une multiplicité de contributions avec des taux qui ne peuvent qu’être majorés à la marge. Il est impératif d’envisager d’autres solutions qui répondent aux contraintes de la réglementation européenne, sans revenir aux classiques droits de douane pour éviter des mesures de rétorsion.

Caractéristiques de la C3S,

En matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, La Directive 77/388/CEE du 17 mai 1977,  préconise un Système commun de taxe sur la valeur ajoutée avec une assiette uniforme.
A titre complémentaire, il est spécifié à l’  Article 33 
« Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un État membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires. (1)JO nº L 104 du 24.4.1975, p. 35. »
 

C’est en fonction de cette particularité qu’un arrêt de  la cour européenne a arbitré en ce qui concerne la Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés :

PAR CES MOTIFS,
LA COUR ( QUATRIEME CHAMBRE ),STATUANT SUR LA QUESTION A ELLE SOUMISE PAR LA COUR D ' APPEL DE DOUAI , PAR ARRET DU 29 NOVEMBRE 1984 , DIT POUR DROIT :

LA NOTION DE ' DROITS ET TAXES N ' AYANT PAS LE CARACTERE DE TAXES SUR LE CHIFFRE D ' AFFAIRES ' , TELLE QU ' ELLE FIGURE A L ' ARTICLE 33 DE LA SIXIEME DIRECTIVE , DOIT ETRE INTERPRETEE EN CE SENS QU ' ELLE INCLUT UNE TAXE , A CARACTERE NON FISCAL , A LA CHARGE DES SOCIETES , OU DE CERTAINES CATEGORIES DE SOCIETES , AU PROFIT DE REGIMES DE SECURITE SOCIALE DONT LE TAUX EST DETERMINE SUR LA BASE DU CHIFFRE D ' AFFAIRES ANNUEL GLOBAL DES SOCIETES ASSUJETTIES .
Modalités d’application d’une C3S sur les importations de produits finis :

Sont redevables de la C3S toutes les personnes morales exerçant leur activité dans le secteur concurrentiel, dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 760 000 €.
La loi n°70-13 du 3 janvier 1970 PORTANT CREATION D'UNE CONTRIBUTION SOCIALE DE SOLIDARITE DES SOCIETES AU PROFIT DE CERTAINS REGIMES DE PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS NON SALARIES est  L.651-1 à L.651-9 D.651-1 à D.651-20  L.245-13 du Code de la Sécurité Sociale. Ses modalités ont été aménagées par décret à plusieurs reprises en ce qui concerne la fixation des taux, des conditions de recouvrement et  des spécificités des entreprises assujetties.

La notion de seuil de chiffre d’affaires global annuel qui dépasse 760 000 € doit être préservée ou relevé pour ne toucher que les acteurs structurés qui usent de leurs capacités de commercialisation pour peser au maximum sur les prix par le chantage concurrentiel attaché aux importations.
La distribution est en France le quasi monopole d’environ 200 groupements d’entreprises.  Centrales d’achats, fournisseurs de réseaux, succursales. franchisés, affiliés ou autres.
L’impact de leur puissance logistique et financière est redoutable non seulement pour les producteurs nationaux mais surtout par le fait qu’elles paralysent toutes velléités de promotion d’une économie circulaire d’autosubsistance après avoir éliminé le commerce de proximité.

Base actuelle de calcul des contributions nettes dues / Taux normal
Dès lors que les opérations déclarées (I), sans tenir compte des déductions (II), atteignent 760 000 €, les contributions sont dues. Cette base peut être éventuellement minorée des déductions visées au II. A partir du résultat obtenu, le montant des contributions est dû au taux global de 0,16 % (0,13 % pour la Contribution Sociale de Solidarité et 0,03 % pour la Contribution Additionnelle, conformément aux articles L.651-3, L.245-13 et D.651-1 du code de la Sécurité Sociale).
Du fait de leur activité, certaines entreprises redevables des contributions en raison de la réalisation d’un chiffre d’affaires hors taxes supérieur ou égal à 760 000 €, relèvent d’un régime particulier quant à l’assiette à déclarer ou au taux à appliquer avec des parcours déclaratifs appropriés.

La nouvelle C3S arme défensive, facteur de compensation du différentiel de compétitivité consiste à cibler uniquement les importations, directement commercialisées, sans transformations, dès leur entrée sur les plateformes des filiales des grandes enseignes qui exercent sur le territoire national.
La collecte ne serait plus annuelle mais mensualisée, divers taux sont envisageables suivant  une harmonisation identique à celle de la TVA avec un taux normal, un taux intermédiaire et un taux réduit.
Une différenciation intra ou extra communautaire peut être introduite en fonction des origines.   

Les taux doivent être déterminés et réactualisés en fonction des orientations de politique interne et externe de la nation tandis que les impératifs de gestion et de couverture des risques sociaux sont dictés par les besoins de la population.
 La redistribution est en France davantage le fait des prélèvements / prestations sociales que des ponctions fiscales.

Les moyens de perception :
Actuellement, son recouvrement est assuré par le régime d'assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales (RSI). La déclaration et le paiement sont à effectuer au plus tard le 15 mai de chaque année.
La mensualisation des déclarations et des versements de cette nouvelle C3S devrait être concomitante avec celles de la TVA. Le recouvrement et le suivi assumés par les URSSAF. 


Pour esquiver les anathèmes nous avons recensé les incidences bénéfiques suivantes :

1 - Les budgets globaux du Trésor Public et des Comptes de la protection sociale au niveau de la nation doivent rester distincts dans leur collecte et dans leur gestion.
Au parlement, par leurs votes sur les prévisions budgétaires, les  élus se prononcent sur des projections distinctes. Les fonctions régaliennes de l’état répondent à des options citoyennes, autres que celles qui concernent la couverture sociale de personnes physiques.
Pour la collecte, les critères ainsi que le ou les taux peuvent être fixés et réajustés sur le plan national lors de l’examen annuel du budget par le  parlement. 
Le choix de l’assiette concernant le financement de la protection sociale doit répondre à un objectif simple : celui de la meilleure concordance entre l’assiette et la nature du risque couvert. Cette considération amène à écarter l’idée de faire porter par les prélèvements sociaux d’autres finalités.

Deux branches sont concernées, la maladie et la famille, dont les droits sont désormais universels. Ils sont attribués sous condition de résidence et non plus sous condition d’activité professionnelle.

2 - Les charges dites patronales et salariales, un artifice illusoire de différenciation :
Versées par l’employeur, d’après le même état déclaratif, la distinction est une notion purement symbolique et comptable qui n’est justifiée que par un impératif idéologique.  C’est un effet d’optique constitutif de complexifications et d’incompréhensions dans les discussions. 
Pour présenter leurs revendications, les salariés n’ont qu’un critère essentiel, le salaire net perçu, constitutif de leur pouvoir d’achat.
Prétendre que les cotisations sont à la charge des entreprises est une supercherie. Lors des débats sur les primaires socialistes c’est l’impétrant, François Hollande qui a été le plus pédagogue en affirmant : « que tout impôt sur une entreprise était forcément répercuté sur les prix donc au final payé par les consommateurs. »
Il semble y avoir accord de nos concitoyens pour faire payer plus les entreprises qui fabriquent ou font fabriquer à l’extérieur par des filiales ou des sous-traitants avec moins de charges sociales. Il convient aussi d’assujettir à cette contribution les productions autres obtenues par des processus automatisées et robotisées.

3 – La promotion des circuits courts de proximité avec accentuation de la concurrence par la pénalisation des marges des  intermédiaires dans la distribution :
Assise sur les achats importés et distribués sans subir de transformation, elle devrait désavantager les intermédiaires qui se contentent uniquement de prélever des marges, sans un  apport de valeur. C’est une incitation à la relocalisation par la consommation pour soutenir la production et les emplois locaux. 
Il ne s’agit pas de pénaliser tel ou tel produit, ou branche professionnelle, mais de contrarier la globalisation marchande, de préserver notre milieu, notre qualité de vie, nos échanges de proximité.
Les producteurs de fruits et légumes n’arrivent plus depuis des années à vivre dignement de leur travail, les coûts de collecte avec charges sont trop élevés.
Les consommateurs modestes hésitent à concrétiser leur préférence sur des collectes saisonnières et locales en se rabattant sur des légumes et fruits importés.
La multiplication des autorisations de vente au déballage amorce une démarche qui ne cesse de s’accentuer. La tendance ne peut s’inverser que par les prix.

Contrairement à une hausse de la TVA, la (C3S) peut être perçue plus indolore en étant présentée comme un transfert sur une contribution déjà versée par la grande distribution. Cette dernière conditionne sa politique de pression sur les prix bas par des achats massifs en provenance de pays étrangers qui procurent des marges de distribution lucratives.

4-La Contribution sociale de solidarité et de sauvegarde des productions nationales (C3S) est un prélèvement équitable.
Les taux peuvent être modulés en fonction des provenances, en excluant les matières premières, avec des différentiels s’il s’agit de productions alimentaires, industrielles en provenance de pays intra ou extra communautaires. 

Habituellement, les consommations individuelles et familiales sont proportionnelles aux revenus, en fonction des utilités, des nécessités, mais aussi des pulsions.
Les consommations des ménages ont marqué une nette évolution depuis cinquante ans. Les services occupent une place prépondérante, plus de 50 % dans les classes aisées et moyennes. La part de l’alimentation est tombée à 25 % en 2007. Par contre, les loisirs, la culture, l’audiovisuel et les outils de communications ont progressé de 10 à 16 %.

La fiscalité indirecte est relativement neutre par rapport aux dépenses de consommation mais dégressive par rapport au revenu. L’argument du caractère anti-redistributif de la fiscalité indirecte doit être de surcroît minimisé si l’on adopte une perspective inter temporelle dans la mesure où l’épargne est simplement de la consommation différée.

5 - Lutte contre la fraude :
Les URSSAF, organismes collecteurs doivent conserver leurs prérogatives actuelles de gestion et de contrôle. En complémentarité avec les agents de l’administration fiscale et des douanes, une harmonisation réglementaire doit  permettre des croisements de fichiers pour un suivi et des contrôles efficaces.

Les URSSAF connaissent et suivent régulièrement toutes les entreprises en ce qui concerne les entrées et sorties de personnel, mais aussi les chiffres potentiels d’activités. Ils disposent de prérogatives qui leurs permettent de procéder à des investigations aussi poussées que celles des inspecteurs des services fiscaux. La complémentarité des missions de suivi et de vérifications des agents de ces deux administrations est évidente et très fructueuse.
Suivant le nombre de salariés, les critères de marges brutes variables ainsi que les types d’activités des ratios de recoupements sont possibles afin de déterminer des fraudes éventuelles.


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