L'Usine du XXIème Siècle


Le chantre gouvernemental du redressement productif  préconise une révolution industrielle pour inventer une usine du XXIe siècle ultra-compétitive. Il souhaite mener, filière par filière, une révolution industrielle. « L'usine du XXIe siècle sera robotisée, numérisée, efficace sur le plan énergétique, ayant recours aux technologies 3D, et donc ultra-compétitive. Pour cela, nous créons dans la BPI un fonds de 150 millions d'euros pour l'innovation de rupture afin d'aider les entreprises qui prennent des risques, qui font des paris technologiques pour faire émerger les champions de demain. »

Nous ne pouvons que souscrire à cette proclamation mais au préalable il est impératif de bien situer le contexte vu par un dirigeant qui dispose de l’expérience d’un patron de PMI qui a été confronté à cette obsession permanente qui consiste à adapter ses moyens et techniques de production en fonction des avancées continuelles de la technologie et des exigences de ses diverses clientèles. Il a eu l’occasion de constater à de multiples reprises que ce sont les réactifs qui l’emporte.
Tout d’abord un constat préliminaire, contrairement à une affirmation généralement admise, si le monde actuel semble avoir été bouleversé par internet, la toile ne semble pas avoir augmenté significativement les productions de biens de consommation. Internet affecte notre qualité de vie de nombreuses manières, mais pas notre niveau de vie. Des millions de minutes sont consacrées à regarder des vidéos. Au lieu de sortir faire des achats, on peut faire son shopping sur la Toile. On y trouve un choix bien plus vaste, généralement à des prix plus bas. On économise le temps et l’énergie nécessaires pour aller jusqu’au magasin. De la même manière, il est plus simple et plus pratique de se distraire.

Dans le secteur industriel, Internet est principalement une technologie qui aide à réduire les coûts et augmenter l’efficacité. Il permet une meilleure gestion de la flotte pour les entreprises de transport. Il aide les commerçants à éviter des inventaires superflus. Il vous permet de gagner du temps et de l’énergie d’innombrables manières.  Ces moyens rendent la vie plus fluide, et peut-être plus facile et plus agréable, mais elles n’augmentent pas le PIB de façon significative.
Par contre, la généralité des tâches dépendantes du savoir-faire plus que de la conception sont susceptibles d'être automatisées ou robotisées. On peut classer les robots par familles : Les robots allégeant les charges de travail, dans les entreprises, les hôpitaux, en agriculture mais aussi les communicants, les robots effectuant des tâches ménagères, les robots affectés aux tâches dangereuses : secours lors de séismes, aide dans l'espace, etc.

En ce qui concerne les robots, la France affiche un retard encore plus marqué avec une densité de 608 robots pour 10 000 employés, soit deux fois moins qu'en Italie (1 220), qu'en Allemagne (1 130) ou aux États-Unis (1 110), mais aussi 45 % de moins qu'en Espagne (884) et 21 % de moins qu'en Corée du Sud (738). Avec 1 430 robots pour 10 000 employés, les fabricants automobiles japonais sont largement en tête.  Citons à titre d’exemple l'industrie agro-alimentaire qui est très sensible à la qualité des produits, les robots jouent un rôle crucial dans les phases d'emballage, à titre de référence, l'industrie agro-alimentaire allemande, initialement très en retard a comblé son handicap après s'être équipée, en multipliant son nombre de robots.

Une société américaine Rethink Robotics s'apprête à commercialiser un robot humanoïde attentif à son environnement venant directement concurrencer ses collègues de travail. Il s'appelle Baxter.
Il est affiché au prix de 22.000 dollars. Il se distingue des automates utilisés jusqu'ici, notamment dans l'industrie automobile, car il dispose de la faculté d’interagir avec son environnement. Il ralentit préventivement sa cadence si un technicien s'approche, et ne nécessite donc pas de cage de sécurité. Ses articulations truffées de capteur lui permettent de s'adapter à un contact imprévu.
Moins de trente minutes seraient nécessaires pour lui enseigner une nouvelle tâche en le prenant par la main pour lui montrer l'action à effectuer. Quant aux yeux qui apparaissent sur son écran LCD, ils permettraient d'anticiper quelle sera sa prochaine action.

D'après son concepteur, ce robot peut être facilement intégré aux chaînes d'assemblage afin d'effectuer les tâches les plus répétitives. Il constitue ainsi «une promotion pour l'ouvrier», qui peut désormais diriger son équipe d'automates. Il considère que cette innovation, aussi considérable que l'introduction du tracteur dans le secteur agricole, conduira à une véritable «révolution de la production en usine.  L’arrivée de ce nouvel outil multitâches est un facteur qui sera beaucoup plus déterminant que toutes les campagnes de promotions médiatiques mais, à condition que des constructeurs français susceptibles de le dupliquer et de l’améliorer, soient en capacité de s’immiscer dans ce marché en s’appuyant sur l’industrie nationale, suivant ainsi l’exemple des japonais. Après la seconde guerre mondiale nous étions les spécialistes de la machine outil. Les Allemands nous ont marginalisés. Tirons les leçons de ce constat.

L’action ministérielle peut être déterminante pour constituer une assise au développement d’un ou plusieurs constructeurs nationaux. GDR ROBOTIQUE (groupe de recherches robotiques) est à même d’accompagner et labelliser les prototypes. Bertin Nahum le Patron de Medtech, une PME montpelliéraine d'assistance robotique à la chirurgie, a eu récemment la surprise d'être classé quatrième entrepreneur le plus révolutionnaire au monde derrière les Américains Steve Jobs, Mark Zuckerberg et James Cameron. Ce novateur témoigne : « l’innovation ne nait pas de l’assistance de l’état. La première expérience avec le monde médical ne fût pas vraiment heureuse. Notre robot a premièrement été testé dans un CHU du sud de la France, en coopération avec des équipes chirurgicales, notre société se faisant l’honneur à mettre au point ses inventions en collaboration avec leurs utilisateurs potentiels. A un certain moment, il a bien fallu aborder la question de l’achat de cette machine, qui était jusque-là prêtée. Nous avons donc déposé une demande de financement au Conseil général concerné, cette demande fût validée. Nous avons appris quelques jours plus tard que le CHU avait finalement décidé d’utiliser ces fonds pour acheter le produit d’une société anglaise... Cet épisode est selon moi un épisode parmi d'autres qui révèle la réticence du marché français à soutenir ses propres produits. »

Par contre, l’observation de ce qui se passe en Californie est significative, la diffusion et les applications sont le fait de petites équipes au sein desquelles des artisans, des ingénieurs, des étudiants créent eux-mêmes une entreprise pour la mise au point, la fabrication et la vente de tous types de produits ou de services. Il ne suffira pas de créer les équipements, pour que le marché auprès des utilisateurs potentiels soit porteur spontanément, leurs capacités de financement ne doivent pas constituer un handicap.
La  filiale Banque PSA Finance (BPF) vient d’obtenir la  garantie de l’Etat. Ne serait-il pas judicieux d’imaginer une garantie de ce type auprès d’un établissement bancaire dépendant de la nouvelle banque publique d’investissement pour financer l’acquisition d’un robot au  même titre qu’un véhicule de transport en acceptant des règles comptables d’amortissement identiques ? 
La transposition des contrats de crédit-bail avec taux bonifié serait incitative.
D’après l’INSEE, pour le premier semestre de l’année 2013 les industriels anticipent une dégradation de leur situation de trésorerie et de leurs résultats d’exploitation avec un endettement à moyen-long terme en augmentation et des dépenses d’équipement en diminution. La volonté du Ministre risque de se heurter sur un obstacle rédhibitoire, l’impossibilité pour le tissu des PMI d’intégrer l’innovation et de se développer. Elles ne sont pas en capacité de puiser dans leur  trésorerie pour investir.

Les entrepreneurs sont disponibles pour accompagner le mouvement conjugué des consommateurs et des producteurs en faveur du made in France mais à condition de leur exhiber un contexte fiscal et réglementaire incitatif et stable associé à des procédures de financement attractives. 
Jean Augustin VINCENT.

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